Mener des parties de jeu de rôle

Alors qu’en langue anglaise, les livres rassemblant des conseils pour mener une partie ne manquent pas, les francophones ne sont guère pourvus en la matière. De tête (et en en oubliant quelques uns au passage), on doit pouvoir compter le Casus Belli Hors Série sur le JdR (un must-have), la Bible du Meneur de JeuJouer avec l’Histoire et quelques epub de PTGPTB (sur lequel j’écrirai un prochain billet). Heureusement, les sujets “ MJ Only ” de Casus Belli ou les pages d’un bon JdR Mag (RIP Di6dent…) viennent approfondir certains points délicats quand on mène, mais ces focus très spécifiques ou par thème ne donnent pas des conseils très généraux sur la façon de mener une partie.

Par chance, Jérôme Larré et Coralie David, accompagnés de 17 autres rôlistes et auteurs, ont signé Mener des parties de jeu de rôle, édité chez Lapin Marteau. Nous voici avec enfin les bases d’une bonne partie… mais pas que !

THE bouquin.

A quoi ça ressemble ?

A un épais livre un peu plus petit qu’un format A4, sans illustration mais bien organisé : chaque auteur présente un thème (‘Animer les combats’, ‘Créer des émotions particulières’, etc) qui sont regroupés dans quatre grands chapitres :

  • la préparation
  • l’animation : les bases
  • l’animation : techniques avancées
  • varier les plaisirs.

A l’issue de chaque sujet, l’auteur résume ce qu’il a expliqué à travers une fiche de synthèse. Perso, la synthèse ne me parle pas beaucoup mais c’est un effort louable pour ceux qui veulent un résumé de chaque chapitre.

Sur la forme enfin, deux remarques :
– tout d’abord, sur l’impulsion de l’éditeur (Jérôme Larré et Coralie David, pour mémoire), certains auteurs utilisent une terminologie féminisée pour parler des joueurs dans leurs articles. Des joueuses, en l’occurrence. Le meneur, la joueuse et le personnage. Ce choix éditorial est expliqué en début d’ouvrage, et a fait couler beaucoup d’encre virtuelle sur les réseaux sociaux. Pour ma part, ce choix ne m’a pas dérangé, et même, j’ai trouvé ces articles plus clairs puisque “elles ” désignait les joueurs (et joueuses, bien sûr) et “ ils ” leurs personnages. Finalement, cela facilite la distinction dans le texte et même s’il faut un peu de temps pour s’y habituer, à la fin cette féminisation rend la lecture plus aisée.
– ensuite, chaque jeu cité dans un article fait l’objet d’une note de bas de page qui vient en préciser les auteurs, l’éditeur et l’année de parution. De même, on trouve dans le texte des renvois vers les autres articles de l’ouvrage. Ces références démontrent tout le sérieux de Lapin Marteau dans son travail d’éditeur : le livre n’est plus un simple recueil d’articles indépendants mais un ensemble cohérent de textes qui se répondent et se complètent.

Les notes de bas de pages, des mines de renseignement

Mon seul (petit) regret sur la forme concernera la table des matières, à la fin du livre. Je lui aurai préféré un sommaire en entrée d’ouvrage, plus simple à mon goût qu’une table des matières. Mais il s’agit vraiment d’un petit chipotage de rien du tout.

Et alors, intéressant ?

Oui, carrément.
D’abord, parce que les thèmes abordés sont très variés. Selon votre façon de mener, certains chapitres vont vous paraître très utiles, alors que d’autres vont peu vous servir (j’avoue que “ Créer un donjon ” m’a moins emballé que “ Adapter une œuvre pour en faire un scénario ”), et certains seront déjà des choses que vous pratiquez.

Pour autant, au cours de ma lecture (qui s’est faite de façon décousue, au gré des envies souvent inspirées par les titres de chapitres ou des lectures en diagonales), je n’ai cessé d’apprendre des choses ou de m’interroger sur ma propre pratique. Plus de vingt cinq ans de maîtrise dans divers jeux, des tonnes de podcasts et de lectures avalés, je suis pourtant assez conscient de ma façon de jouer, de faire jouer et de mes propres limites (et envies). Mais certains conseils (dans “ Animer des scènes spéciales ” ou dans “ Dompter la linéarité ” par exemple) proposent des idées intéressantes ou des perspectives inattendues.

Quant aux chapitres dont les conseils sont déjà connus, cela fait du bien de se les remettre en tête…

De nombreux encarts viennent préciser une idée

Et un MJ débutant ?

Nous avons tous commencé un jour, et par chance pour moi, c’était la grande période des clubs et assos, où les grands menaient des parties et pouvaient montrer aux plus jeunes comment faire. Dans une France post-Mireille Dumas, ce genre de clubs ont disparu et la découverte du JdR est plus aléatoire. Comment savoir, en gros, que faire quand on passe derrière l’écran pour la première fois ? Et bien ce recueil est là pour ça. Avec des conseils d’écriture de Môssieur Tristan Lhomme (le Tristan dont les œuvres sont désormais dans un musée), on sait comment écrire des scénarii. On apprend à décrire avec Sébastien Delfino et on trouve des idées pour rassembler les personnages avec Coralie David. Bref, on y trouve les bases et même plus – et comme je le disais, certains conseils dans ces bases servent même aux vieux routards. Le livre est didactique (grâce aux notes de bas de page, aux explications claires, aux schémas et aux résumés de fin de chapitre), et donc fait pour ceux qui découvrent la façon de mener.

Est-ce que je le conseille ?

Bien sûr. Et d’ailleurs, je rebondis sur ma dernière phrase : “ Bien sûr. Et d’ailleurs, je rebondis sur ma dernière phrase : “ [il] fait pour ceux qui découvrent la façon de mener. ”
Oups. J’ai osé.
Car en effet, il n’y a pas UNE façon de mener, il en existe des tonnes, et le livre d’ailleurs ne prend pas partie. On y trouve de l’OSR et de la narration partagée. On y trouve des conseils sur l’organisation d’une table, mais aussi sur le jeu à distance. Des conseils sur les scénars bac à sable et d’autres sur les attraits de la linéarité. Bref, il y en a pour tous les styles de jeu, et même mieux, il y a de quoi découvrir les autres styles de jeu, ceux que vous ne pratiquez pas. Alors non, Eric Nieudan n’a pas réussi à travers son article à me faire aimer le Dungeon Crawling, mais en le lisant, je comprends mieux ses attraits et ce qui peut plaire à un groupe – et pourquoi pas, glisser un petit donj’ dans un de mes scénars…

Au titre des regrets, je dois confesser que j’espérais des articles plus fouillés sur des thèmes que j’affectionne (la création de scénar, entre autre), mais ce serait reprocher à l’ouvrage les défauts de ses qualités : en voulant balayer large, le focus est moins marqué sur certains thèmes. J’en espère donc un volume 2, de la même qualité.

Ah, et j’oubliais : les éditeurs sont des passionnés. Cela se sent dès la première ligne, et se perçoit jusqu’à la page des téléchargements sur leur site. Vous y trouverez quelques chapitres offerts gracieusement, et même l’intégralité des fiches de synthèse de chaque article. Autrement dit, 35€ pour 400 pages de contenu intéressant tout MJ (ou futur MJ), d’auteurs renommés, ce serait folie que ne pas le commander.

Moi, en tout cas, je le recommande.

👉 Présentation du recueil par Roliste TV.

~Orion

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