Peaky by the Apocalypse

Arte et Netflix ont eu la bonne idée de diffuser une série qui marque : “ Peaky Blinders ”. Elle raconte les (més)aventures d’une famille de gitans criminels de Birmingham (Angleterre), ancrée dans l’entre deux guerres, sur cinq saisons courtes (6 épisodes à chaque fois).

Si vous ne connaissez pas, allez y les yeux fermés (enfin, façon de parler). Et revenez ici ensuite. Si vous connaissez, j’aimerai causer un peu de la structure des scénarii de chaque saison, et de pourquoi Peaky Blinders est un fucking PtbA !

[Spoiler Alert]
Attention, la lecture de ce qui suit peut révéler des éléments sur l’intrigue. 
Même si je vais essayer de rester sur des généralités.

Peaky Blinders World

Tout rôliste plongé dans une bonne série pourra y trouver une inspiration, une idée de personnage, ou même une intrigue qui va alimenter un prochain scénar. Evidemment, habitués que nous sommes à agir dans ces univers de fiction, à narrer les aventures de héros confrontés à des péripéties, on perçoit plus facilement les ficelles, les rôles, le découpage scénique, etc. Depuis ces années que je regarde Peaky Blinders, j’ai réalisé que les scénaristes utilisaient les ressorts identiques à ceux d’un jeu de rôle propulsé par l’Apocalypse. Sans faire de jeuderôlogie (je laisse ça à d’autres plus calés que moi sur le sujet), les parallèles entre la construction de la série et les mécanismes Apocalypsiens sont frappants. Pour celles et ceux qui ignorent ce qu’est un jeu de rôle propulsé par l’Apocalypse, voici quelques explications sur la page Wiki d’Apocalypse World. Maintenant, voyons de plus près cette comparaison entre la série et ces mécanismes si spécifiques du PtbA.

Des personnages archétypaux… très travaillés

A la table, on a un Taulier (Tommy Shelby), un chien de guerre (Arthur Shelby), une Envoûteuse (Polly Gray) et d’autres qui gravitent pour une saison ou plus. On retrouve leurs actions – Tommy et ses actions de marchandage, Polly et sa capacité à envoûter ceux à qui elle parle, Arthur qui défouraille avec des putains de gros flingues, avec sa soif de sang… – dans un contexte souvent apocalyptique : Birmingham est leur fief, les Peaky Blinders leur gang, et autour d’eux, des terres qui sont perpétuellement menacées (de la première saison contre les hommes de Billy Kimber, jusqu’à la saison 5, la dernière diffusée à l’heure actuelle, où Thomas Shelby doit jouer des coudes – politiques – pour protéger Birgmingham de l’appétit insatiable d’Oswald Mosley). On sait ce qu’on joue.

Et puis, le MC aligne les menaces. Des Seigneurs de Guerre (les deux déjà cités, mais aussi Changretta ou Sabini), des Déviants (le tortionnaire inspecteur en chef Chester Campbell), des Décors (la prison où Polly subira les outrages de Campbell, les souvenirs de la Grande Guerre), des Malheurs (et ils sont nombreux, avec les troubles mentaux des fils Shelby, les proches qui seront sacrifiés), et les Brutes (les russes de la troisième saison, les fascistes de la cinquième, l’IRA, les italiens, etc). Chaque saison, un ou deux fronts, trois ou quatre menaces. Pas le temps de s’ennuyer.

Apocalypse Blinders, saison 3

La structure des saisons est, encore, pleine d’Apocalysperies. Comme à la table d’AW, le début de jeu est rempli de 6- et les PJ subissent, les compteurs s’envolent. Contrairement à une série classique, chaque saison de Peaky Blinders se déroule sur 6 épisodes seulement. Dès les premières minutes de chaque saison, la stabilité durement gagnée à la fin de la saison précédente vole en éclat. Il ne s’agit d’un simple élément déclencheur comme dans un schéma narratif classique : il s’agit d’Actions du MC, purement et simplement. Et elles s’enchaînent, à croire que les PJ n’ont vraiment pas de bol aux dés. On ne compte plus les Capture quelqu’un dont leurs proches seront victimes, les annonces d’emmerde à venir (l’ombre des bolcheviques dans la saison 3, la lettre de la main noire de Changretta dans la saison 4) et les passages à la caisse sont raides, autant que les cadavres de leurs amis ou de leurs frères ou femmes. Et Tommy et les siens bataillent dur, pour se défendre contre les menaces, mais chaque échec est punitif, et on sent systématiquement la réponse du MC qui inflige des dégâts ou qui les coincent en mauvaise compagnie.

Autre ressort qu’on retrouve dans la série : les triangles relationnels PJ – PNJ – PJ. Ils sont légions ! Je crois qu’hors liens du sang, il n’y a pas deux PJ qui apprécient / détestent les mêmes PNJ. Quelques exemples ? Tommy – Michael Gray – Polly ; Campbell – Grace – Tommy ; Arthur – Linda – Tommy ; Tommy – Aberama Gold – Polly ; etc. Même des PNJ mineurs se mettent entre les PJ : Finn – Bill Grade – Arthur. Par extension, aucun personnage secondaire (hors clan des Peaky Blinders) n’emporte l’adhésion de l’ensemble du groupe.

Un beau triangle relationnel : Michael – Gina – Polly

Et c’est tant mieux !

Oui, car c’est de ça que chaque épisode est constitué. De la même façon qu’une partie propulsée par l’Apocalypse comportant beaucoup d’échecs sera stressante pour la table, un épisode des Peaky Blinders ne se déroule jamais sereinement. Tout est tensions. Dans les relations, dans l’histoire, dans le passé des personnages principaux… Les projets cafouillent toujours, les trahisons sont nombreuses (chaque PNJ poursuit son propre agenda, et c’est rarement dans le même sens qu’une bande de gitans criminels), et pourtant, les PJ, menés par un Taulier perturbé mais déterminé comme personne, défendent becs et ongles leur fief, cherchent à l’agrandir ou à protéger les leurs contre un monde franchement hostile.

Enfin, la force du show est de renouveler sans cesse les menaces et les thèmes. Une bande rivale et la Police dans la saison 1, les irlandais de l’IRA dans la saison 2, les bolcheviques dans la saison 3, les mafieux italiens dans la 4, les fascistes dans la 5ème. A chaque fois, un nouveau contexte de jeu, des PJ qui évoluent de saisons en saisons, mais toujours les mêmes tensions, toujours des Actions de MC dures et punitives, toujours du jeu d’excellente qualité.

NB : je passe sur les autres qualités de la série (qualité de la photographie, implantation dans le contexte historique sans être ennuyeuse, rythme soutenu, bande son anachronique et géniale, dialogues travaillés et acteurs vraiment très bons) mais je n’en pense pas moins !

~Orion

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