La Lumière

Il arrive parfois qu’à la table, personne ne souhaite guider le groupe. Manque d’inspiration, trop de distractions, peur de mal faire ou de se tromper sur l’univers de jeu, mauvaise expérience ? Quoiqu’il en soit, personne ne veut prendre le lead et mener le groupe sur les rails du scénario ou pire, dans l’inconnu !

Mais d’autres fois, c’est l’inverse : autour de la table, c’est à celui qui va voler la vedette à l’autre. Pousse toi de là que je m’y mette, sous les feux des projecteurs. Autant dans le premier cas, le problème sera celui du MJ qui devra se creuser la cervelle pour mettre en lumière un PJ ou pour inventer un PNJ mentor qui saura pousser le groupe (dans une direction, ou à prendre des décisions), autant dans le second cas, ce sera le problème de tout le groupe, joueurs comme meneur.

Quand personne prend le lead, sortez un vieux magicien du chapeau : il saura quoi faire… Et dès qu’un joueur semble mener, sortez un Balrog pour virer le mago. La suite est assurée !
~ art by @Scott Christian Sava

La lumière des projecteurs est plus forte si elle éclaire le groupe et pas seulement un joueur. A un moment, vous serez au centre de l’attention, ce sera votre moment, votre interaction, votre dialogue, voire votre décision (qui pourrait engager tout le groupe), et c’est important. Mais il faut savoir laisser la place aux autres joueurs, aux autres moments. Que chacun devienne à son tour le centre d’intérêt de l’histoire, que chacun prenne des décisions importantes, aient des interactions fortes avec la narration ou les personnages non-joueurs.

Bien sûr, il arrivera que vous vouliez garder la vedette, que vous souhaitiez prendre les choses en main, parce que l’autre joueur est trop mou ou indécis, parce que vous avez la bonne réponse ou la bonne idée. Mais ce serait une fausse bonne idée. Il faut que chacun brille autour de la table, et si une répartie géniale vous vient lorsqu’un autre joueur peine à répondre à un PNJ tatillon, NE LA SORTEZ PAS. Si le scénario irait mieux en écoutant vos choix alors que l’autre joueuse hésite, NE L’AIDEZ PAS sauf si elle vous sollicite.

Le jeu de rôle n’est pas une activité solo (enfin, il y a des jeux pour ça mais ce n’est pas la norme) : on raconte une histoire à plusieurs. Et de la même façon que le MJ ne prend pas des décisions pour vous, ne prenez pas le pas sur les choix, les interactions, les moments des autres. Même si ce sont, à vos yeux, de mauvaises décisions ou que vous auriez mieux fait.

Plus petite, plus frêle, plus jeune, certes, mais c’est à elle de prendre le lead.
T’es qui pour te mettre en travers de sa route ?
~ art by @Adam Kuczek

Pour trois raisons. La première, je l’ai évoquée, c’est que la lumière doit se partager, sans quoi cela démotiverait les plus introvertis de la table. Ensuite, ces mises en lumière sont autant d’occasions d’apprendre, de se lancer, d’échouer mais de vivre des aventures extraordinaires. Enfin, parce que hormis le MJ, chacun ne contrôle que SON personnage. Si vous soufflez hors-jeu les réponses à un joueur, si vous imposez votre point de vue hors-jeu pour une décision, n’est-ce pas une façon d’éclipser (souvent involontairement) quelqu’un autour de la table ?

J’ai connu une expérience récente, où un PNJ avait une vision tranchée des choses (” il faut faire la guerre contre le royaume voisin ! “), et où les trois PJ étaient invités à débattre. Le premier ayant expliqué qu’il n’avait pas d’avis sur la question, le deuxième a longuement exprimé pourquoi la guerre ne servait à rien et le troisième… n’a pas pu en placer une : à chaque fois que le PNJ demandait au troisième ce qu’il en pensait, le deuxième PJ coupait la parole de ce dernier pour répéter que la guerre était inopportune, coûteuse, dangereuse pour leurs intérêts, etc… Les arguments du deuxième PJ étaient tout à fait pertinents, bien exprimés, sensés et même attendus. Mais une fois exprimé, cet avis devait laisser la place à celui du troisième personnage. La lumière doit passer de l’un à l’autre : même si on a l’impression d’avoir la bonne réponse, le bon moment, la bonne idée, laissons à notre voisin de table l’opportunité de créer du jeu également.

Et soyez attentif à chacune des joueuses, chacun des joueurs autour de vous. Regardez s’ils ont eu les projecteurs sur eux au cours de la partie et si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à leur offrir un moment, une occasion. ” Mon avis sur la guerre ? Je crois l’avoir suffisamment exprimé, mais qu’en penses-tu, Feydir ? On t’a peu entendu depuis le début et sa Majesté, je suis sûr, s’intéresse à ton avis autant que moi. “

” hein Feydir, tu peux répéter ce que tu as dit sur sa Majesté, tout à l’heure ? Je suis sûr que ça va l’intéresser… “
~ art by @Joshua Bermudez

Si au contraire, vous avez l’impression de ne pas avoir votre moment – et ce, à chaque séance, parlez-en à votre MJ. Voire même à un joueur si vous trouvez qu’il prend beaucoup de places. Mais faites le respectueusement, chaleureusement APRES la partie. Une simple conversation suffit en général, parce que les joueurs concernés ne réalisent pas qu’ils focalisent trop l’attention, qu’ils coupent la parole ou ne laissent que peu d’espace autour d’eux. Il faut éviter de faire des commentaires pendant la partie – parce que cela n’est pas le meilleur endroit et transformera le moment en bataille rangée au mieux ! Un échange posé après le jeu est la meilleure option. Si cette conversation ne suffit pas, le MJ sera le plus à même de régler cette difficulté car bien souvent, il s’agit de ressentis très subjectifs, et le MJ a aussi un rôle d’animateur de table parmi ses nombreuses casquettes…

Comme je dis souvent : on brille lorsqu’on reflète la lumière de ceux qui nous entourent !

~Orion

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